Categories

Accueil > AÏKIDO > L’ Aïkido > Aïkido et histoire des arts martiaux : Introduction

13 février 2002
Mathieu Perona

Aïkido et histoire des arts martiaux : Introduction

Le but de cette page est de replacer l’Aïkido, art martial japonais relativement récent, dans
l’histoire générale des arts martiaux. Il ne s’agit donc pas d’un pur historique, mais d’une
réflexion sur ce que l’histoire des arts martiaux peut apporter au pratiquant actuel.

Aïkido et histoire des arts martiaux
Une perspective


Introduction :

De l’art de tuer à la non-violence, origine et apport de l’Aïkido

L’Aïkido, Voie de l’Harmonie des Énergies, nous dit-on. Mais aussi un art martial orienté vers la
non-violence. On peut, à juste titre, souligner à la fois sa dimension d’héritage traditionnel et sa
modernité. Toutes ces idées sont sans doute justes, mais leur abondance cache une obscurité
centrale : comment un art martial, un art de guerre, peut-il prétendre être un art de paix ? Il semble
étrange de penser qu’il existe un chemin qui conduise à la paix par un raffinement des tecnhiques de
guerre.

L’Aïkido, pourtant, est l’héritier de nombreuses techniques de combat, qui sont des arts de
tuer. Que votre idée soit toujours de pourfendre l’adversaire écrit Miyamoto Musashi au XVIIe siècle. Dès
lors, parler d’art martial non violent a-t-il un sens ? Il semble que oui : « budo » que nous traduisons par
« art martial » peut aussi se traduire « manière d’arrêter le sabre » [1]
, c’est-à-dire d’éviter l’affrontement. En art
martial, l’affrontement est déjà une défaite. Faire la démonstration de son art de tuer un acte humiliant, qui
montre qu’on n’a pas su faire comprendre à l’agresseur qu’il faisait une erreur.

Dans l’idéal des arts martiaux, ce qu’on doit anéantir, ce n’est pas l’agresseur, mais la volonté agressive,
celle qui conduit au combat. Il s’agit d’abord de notre propre agressivité, mais surtout de celle de l’adversaire
potentiel. On peut certes détruire l’agressivité en détruisant l’agresseur. Mais est-il nécessaire
d’aller jusque-là ? Telle est donc la problématique des arts martiaux qui a été transmise à l’Aïkido : est-ce possible
de détruire l’agressivité de l’autre sans le détruire lui ?

Une solution à ce problème est l’Aïkido. Mais l’Aïkido ne s’explique pas seul, et la pratique est parfois lente
à livrer ses réponses. C’est pourquoi je vous propose de remonter le temps, et de suivre l’histoire des techniques
de combat orientales, principalement chinoises et japonaises, et leur transformation en arts martiaux, pour mieux
comprendre ce que l’Aïkido hérite et ce
qu’il apporte à cette histoire, qui cherche la paix par la préparation au conflit.

On s’accorde à penser que les arts martiaux orientaux, entendus comme des techniques martiales porteuses d’un
enseignement dépassant le simple combat sont nées en Chine. C’est donc là que je commencerait mon enquête, il y a
bien longtemps, dans Au commencement était la Chine.

Cependant, les arts martiaux chinois sont nettement différents des arts martiaux japonais. Il s’est donc
produit quelque chose lorsque ces techniques ont traversé la mer de Japon. En particulier, il y a eu une
rencontre, celle entre ces techniques, la morale de la classe montante des samouraïs et le bouddhisme zen. C’est
au cours de cette période que sont fondées les premières écoles d’arts martiaux au sens où nous l’entendons
usuellement. C’est cette rencontre que je vous propose de découvrir dans
Chine et Japon : le conte de deux Empires.

Ces Écoles restaient cependant des écoles de « jutsu », de techniques, principalement de sabre. Or, le sabre est
une arme, et le kenjutsu un art de tuer : on peut difficilement échapper à cette constatation. Ces écoles étaient
surtout des structures très fermées, fortement hiérarchiques, réservées à une minorité. Elles ont donc subi de
plein fouet l’ouverture du Japon à l’époque Meiji, et le rejet partiel du Japon traditionnel qu’elles
représentaient. Cette période, à la fois florissante et dure a été pour les arts martiaux une profonde remise en
question, complexe, ce qui rend nécessaire de suivre, en partie en suivant l’itinéraire du fondateur de l’Aïkido,
l’itinéraire d’un expert en sabre après l’ère Meiji.

Ceci nous conduit à la guerre, et au traumatisme qu’ont représenté la défaite et l’occupation. C’est pourtant
dans cette période noire pour le Japon que se sont développés les arts martiaux modernes. Il devient donc
important de comprendre ce que cela a signifié pour des maîtres souvent passés par des structures
traditionnalistes, et comment ils ont pu refondre ces savoir traditionnels pour non seulement leur rendre une
pertinence, mais aussi en faire un des meilleurs ambassadeurs de la culture japonaise dans le monde. C’est
l’histoire des arts de la guerre après Hiroshima.

Je terminerai cette étude par un panorama, nécessairement incomplet, de
L’Aïkido aujourd’hui, qui cherche à comprendre comment cet élément
d’une éducation guerrière a pu
devenir aujourd’hui un cadre privilégié pour une démarche de développement personnel.
Enfin, dans une Ouverture, je souhaite donner un aperçu des perspectives qui s’ouvrent à
l’Aïkido tel qu’il est aujourd’hui.

Auteur : Mathieu Perona

Mathieu.Perona@ens.fr



Notes

[1Cette étymologie découle de la lecture chinoise du caractère bu,
en Chinois mou, qui est composé des clefs y (deux personnes), whal (flèche),
kwa (lance, hallebarde) et zi (faire cesser, arrêter). De là la traduction comme méthode
d’arrêter le combat, figuré par le sabre dans les locutions japonaises.
Pour plus de détails, voir Bibliographie, Kim, pp 11-12.

Commentaires

Répondre à cet article